L’Algérie a mis en avant ses atouts majeurs et exprimé sa volonté d’abriter le siège de l’Agence africaine de médicament (AMA), notamment pour mettre à la disposition des pays africains son expérience dans l’industrie pharmaceutique et son expertise à travers ses ressources institutionnelles, scientifiques et réglementaires.
L’Union africaine (UA) s’apprête à lancer l’Agence africaine de médicament (AMA), un cadre réglementaire unifié pour anticiper toutes les situations et harmoniser l’industrie pharmaceutique et le système de santé à travers un cadre réglementaire unifié. L’idée suscite un engouement inégalé quant à sa représentation, mais surtout quant à la localisation de son siège. Mise en branle par l’UA qui a dépêché, au début du mois d’avril dernier, l’ancien ministre malien de la Santé et néanmoins ex-directeur de l’ONU Sida, en la personne de Michel Sidibé, cette entité suscite également un large intérêt quant à l’avenir de l’industrie biopharmaceutique en Afrique. Michel Sidibé a déjà sillonné une vingtaine de pays, dont l’Algérie, la Tunisie et le Maroc pour tenter d’obtenir le quorum pour ratifier le Traité portant la création de l’AMA. Si plusieurs pays du continent ont déjà adopté au plus haut niveau ce Traité en vue d’accélérer le processus de lancement de l’AMA, l’Algérie, elle, a mis en avant ses atouts majeurs et exprimé sa volonté d’abriter le siège de l’AMA, notamment pour mettre à la disposition des pays africains son expérience et son expertise dans l’industrie pharmaceutique, en ce sens, l’Algérie compte des ressources suffisantes d’une part, et elle s’attelle à organiser du 17 au 19 mai prochain à Dakar (Sénégal), la première édition du Salon El Djazair Healthcare. Si au ministère de l’Industrie pharmaceutique, la chose est évidente, il est clair que le ministre en charge du secteur, Lotfi Benbahmed, qui a reçu le 15 mars dernier, l’ambassadeur de la République du Sénégal en Algérie, Serigne Dieye, a décliné des arguments en béton pour que le siège de l’AMA soit établi à Alger. «Forte de son expérience dans l’industrie pharmaceutique, l’Algérie se propose de mettre à la disposition du continent toute son expertise à travers ses ressources institutionnelles, scientifiques et règlementaires en vue d’apporter le soutien nécessaire à l’Agence dans l’accomplissement de ses missions», avait indiqué le ministre qui n’a pas omis de souligner le rôle prépondérant que pourrait jouer l’Agence nationale des produits pharmaceutique (ANPP) dans le développement des partenariats en Afrique. Evénement phare dans le continent, la première édition du Salon El Djazair Healthcare au Sénégal constitue un autre atout majeur qui plaiderait en faveur de l’Algérie pour abriter l’AMA dès son lancement, d’autant que cette manifestation scientifique et commercial constitue une opportunité pour établir des relations de partenariat et d’affaires gagnant-gagnant et le point de départ à une coopération africaine pertinente et renouvelée dans le domaine de l’industrie pharmaceutique. En somme, l’Algérie décline tous les mécanismes scientifiques et économiques pour faire de l’AMA, un carrefour incontournable en Afrique de par sa situation géostratégique, comme c’est le cas pour plusieurs mécanismes de coopération. Dans son texte adopté en février 2019, à l’occasion de la tenue de la 32ème session ordinaire de la Conférence d’Addis Abeba (Éthiopie), l’UA avait appelé tous les pays à ratifier le Traité pour «concrétiser la mise en œuvre opérationnelle du système de réglementation à l’échelle continentale qui bénéficiera aux patients, aux régulateurs, au secteur pharmaceutique et aux systèmes de santé en Afrique, outre l’amélioration de la santé publique et de la qualité de vie en Afrique et un système de réglementation solide qui ouvrira des perspectives pour l’industrie pharmaceutique, la recherche médicale et le développement». Aujourd’hui, il est clair que l’AMA constitue une opportunité unique de voir émerger l’un des systèmes de réglementation les plus efficaces et les plus modernes, et ce grâce aux enseignements acquis pendant la pandémie du Covid-19. Pour l’UA, «l’AMA, en tant que système de réglementation moderne adoptant des solutions numériques et technologiques ainsi que des processus rationalisés, sera source de nombreux avantages». Entre autres, l’UA met en avant l’amélioration de l’accès des patients aux médicaments, une collaboration facilitée entre les régulateurs pour permettre l’accélération des
processus d’autorisation afin d’élargir l’accès à de nouveaux médicaments efficaces, sûrs et de qualité, contribuer à un approvisionnement ininterrompu en médicaments de qualité grâce à la prévisibilité et la transparence des procédures de gestion du cycle de vie et éviter l’exposition des patients à des médicaments sous-standard (non conformes) et falsifiés grâce à une surveillance accrue du marché au-delà des frontières que rend possible la coordination du partage d’informations entre les États membres. Dans son exposé des motifs, l’UA voudrait convaincre les Etats membres à «mettre en œuvre de bonnes pratiques de réglementation, favoriser la collaboration, le partage du travail et l’utilisation de procédures de confiance, assurer la prise de décisions réglementaires faisant appel à des preuves scientifiques et la mise en œuvre de normes de réglementation internationales». Aussi ambitieux que cela puisse paraître, ce Traité revêt plusieurs caractères tant sanitaires, économiques et sociétaux. En Effet, l’AMA se veut un outil pour améliorer l’espérance de vie et la qualité de vie des populations africaines, développer un environnement propice pour l’industrie et l’innovation pour créer un environnement favorable à l’expansion commerciale, l’accès aux médicaments grâce à des évaluations transparentes fondées sur des normes communes et des autorisations prévisibles, l’approvisionnement continu grâce à la rationalisation de la gestion des dossiers de demande d’autorisation aux instances réglementaires, soutenir le développement des compétences en participant à la formation et en investissant dans l’apprentissage d’autres parties prenantes et, enfin, établir des connections entre le secteur de la santé et l’économie pour favoriser la croissance dans ces domaines. Aujourd’hui, affirme encore l’UA, «l’Initiative d’harmonisation de la réglementation des médicaments en Afrique (AMRH) tout comme l’industrie biopharmaceutique reposent sur la collaboration et le soutien à l’innovation», car, explique l’instance africaine, «l’industrie biopharmaceutique a contribué et ne cesse de contribuer aux réformes réglementaires aux niveaux national, régional et continental pour inspirer l’élaboration de systèmes de réglementation conformes aux normes mondiales». Pour réussir un tel pari, l’UA a fait appel à toutes les parties intéressées sur l’ensemble du continent et au-delà à unir leurs forces et soutenir la création de l’AMA dans leur zone d’influence, à savoir dans les 55 pays et les huit communautés économiques régionales. C’est ainsi que l’UA compte saisir cette opportunité pour accélérer la mise en place de l’AMA en investissant dans le renforcement des capacités réglementaires et en définissant des positions communes au sein de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf), d’une part, et en appelant les pays membres à tenir leur engagement pour allouer au moins 15% de leurs budgets publics à la santé d’ici à 2025, et ce conformément à la déclaration d’Abuja de 2001. Pour Michel Sidibé, l’AMA constitue une urgence pour tout le continent, même si cette instance revêt également un caractère politique, soit un facteur qui a freiné son lancement. Dans un entretien accordé au magazine Jeune Afrique, cet ancien ministre malien de la Santé avait souligné que «ce traité est consensuel, mais il faut convaincre les leaders africains au plus haut niveau pour leur expliquer pourquoi cette structure manque concrètement au continent. C’était un sujet qui était, jusqu’alors, souvent présenté sous un angle technique», précisant que plusieurs pays où il s’était rendu, comme l’Algérie, ont activé leur processus de ratification. Citant l’exemple de l’Europe où l’Agence européenne du médicament a pris le pas sur les décisions pour éviter des crises, l’envoyé spécial de l’UA, Michel Sidibé, a, toutefois, indiqué qu’en ce qui concerne la future localisation du siège de l’AMA, que «les quinze premiers pays à ratifier le traité de l’AMA se mettront autour de la table pour définir le cadre stratégique dans lequel l’agence évoluera et seront donc une force de proposition. Toutes les candidatures seront par ailleurs analysées avec des règles précises, comme l’UA les applique depuis longtemps, selon des critères partagés avec tous».Nadine Ait Lamara