La crise du Covid-19 a révélé un besoin pressant, grandissant chaque jour davantage, de disposer de solutions innovantes qui permettent un accès rapide aux services des banques et des assurances. Un besoin exprimé des deux côtés : établissements financiers et clients, suite aux pertes et aux préjudices causés par le nouveau Coronavirus et l’obligation de confinement.
Digitaliser les services financiers
Considérées avant tout comme des start-up, les Fin’Tech en Algérie, pas encore nombreuses mais riches en idées révolutionnaires et productrices de solutions innovantes, se montrent d’ores et déjà disponibles à aider efficacement et rapidement les établissements bancaires et les compagnies d’assurances à se redéployer. Plutôt se «réinventer» comme le dit Hakim Soufi, le CEO de la compagnie privée MacirVie. Les Insur’Tech, appelées également Assur’Tech, intéressent particulièrement le premier responsable de cette compagnie spécialisée dans les assurances de personnes. Précisons que les Insur’Tech sont des Fin’Tech spécialisées dans les services des assurances. Les Fin’Tech sont des start-up spécialisées dans les services financiers de manière générale.
Pour reprendre encore les propos du représentant de MacirVie, «La Fin’Tech, contraction de Financial Technology (technologie financière), désigne des petites entreprises (start-up) à très forte valeur ajoutée et à croissance ultra-rapide sur ce marché et qui fournissent des services financiers grâce à des solutions innovantes». Ces Fin’Tech proposent des solutions sous forme d’applications digitales qui permettent d’effectuer des opérations de souscriptions auprès des banques et des compagnies d’assurances dans des temps réduits, sans se déplacer, tout en assurant la transparence et la traçabilité. Le CEO de MacirVie soutient que les nouvelles entités «permettent la virtualisation du processus de souscriptions et de remboursements, imposent une baisse remarquable des frais bancaires et des primes d’assurances et font évoluer, de manière exceptionnellement efficace, la dématérialisation des contrats via les nouvelles technologies de sécurisation des données».
En tant que compagnie d’assurance, MacirVie «a elle-même bien avancé sur sa digitalisation, en intégrant, autant que faire se peut, une dimension technologique à ses produits et services d’assurance» indique M. Soufi. De l’avis de notre interlocuteur et d’autres acteurs du secteur financier en Algérie, des choses sont en train de se faire pour rendre l’écosystème favorable à l’émergence et au développement de ces Fin’Tech. Les annonces faites par les représentants du gouvernement rassurent sur une éventuelle prise en main de la situation pour aller de l’avant. Les idées innovantes, émanant des jeunes entrepreneurs, avides de technologie et passionnés par tout ce qui est intelligence artificielle, ne manquent pas. Des donneurs d’ordre ; banques, établissements financiers, administrations, et autres n’attendent que d’être sollicités, dans un cadre parfaitement légal, afin d’assurer les financements nécessaires. Ils affirment être prêts pour toute levée de fonds. Peut-être même qu’ils n’attendent que cela, eux aussi pressés de basculer totalement vers le digital.
Réglementation, internet et d’autres contraintes
Reste le problème de la réglementation qui n’est pas encore réglé. Le premier représentant de MacirVie estime nécessaire d’assouplir le cadre réglementaire, en ce qui concerne notamment le capital social qui, selon ses dires, doit être nettement revu à la baisse. La loi exige un capital social d’un milliard de dinars pour créer une compagnie spécialisée dans les assurances de personnes et de deux milliards de dinars pour les assurances dommages. Les start-up sont éliminées d’office parce que ne peuvent pas mobiliser plus de 10 millions de dinars.
Pour Abdelhakim Hadjou, directeur général de Trust Assurances, c’est surtout le problème de connectivité à internet qui constitue un obstacle majeur. «On ne peut pas parler de Fin’Tech, alors qu’internet n’est pas au top. Il faut du haut débit. Ce n’est pas le cas chez nous. Nous souffrons tous de problèmes de connexion». M. Hadjou soutient lui-aussi qu’il y a une demande de la part des particuliers et des entreprises de développer les produits d’assurances. De passer vite à leur digitalisation. Une demande à laquelle les compagnies d’assurances doivent répondre favorablement, sachant que le taux de pénétration des services des assurances en Algérie est de seulement 8% par rapport au PIB. M. Hadjou pense que «le secteur des assurances en Algérie a tout à gagner en travaillant sur les petites polices des assurances. Les micro-polices, c’est là où on doit gagner. Et c’est intimement lié aux start-up et au digital». Le représentant de Trust Assurances recommande ainsi aux jeunes start-up de développer des petites applications «vendables en masse» à condition toutefois de «ne pas compliquer les prestations».
Au niveau mondial, les chiffres du marché de l’Insurtech pour l’année 2020 font ressortir, entre autres, un montant de 5,5 milliards de dollars les sommes sur le marché, 10% le taux de croissance annuel du secteur et 2,2 milliards de dollars le montant d’investissement en mai-juin 2020. En Afrique, c’est plutôt l’Afrique anglophone qui est en train de se distinguer, laissant loin derrière elle les pays de l’Afrique francophone. Au Nigeria, pour ne citer que ce pays, la Fin’Tech «Paystack» a été rachetée par l’américain «Stripe» spécialiste des paiements en ligne, pour un montant de plus de 200 millions de dollars.
Un FinLab pour accompagner les Fin’Tech en Algérie
En Algérie, un accélérateur public, le premier du genre, portant le nom de FinLab, sera inauguré prochainement.
Abdelkader Khennoussi, très imprégné du sujet, est désigné à sa tête. Il suit de près l’évolution des startups en Algérie, la réceptivité des établissements financiers, l’intérêt accordé à cette question par les différents intervenants sur le terrain…et les démarches entreprises par les pouvoirs publics pour donner un coup d’accélérateur à la digitalisation des produits financiers dans le pays.
Pour M. Khennoussi, la question de la réglementation n’est pas un problème. Il est vrai «qu’il n’y a pas encore tout le cadre réglementaire et qu’il y a encore des choses à mettre en place en la matière» mais ce n’est pas cela qui va empêcher les jeunes start-up désireuses de se lancer dans ce genre de services d’émerger et de gagner du terrain progressivement, avec des résultats palpables sur le terrain, soutient-il. «Tem tem qui est aussi spécialisée dans le transfert de fonds depuis la diaspora n’a pas attendu la règlementation pour se lancer. Des besoins se sont exprimés et elle a décidé de se développer en interne. Elle a pris des risques. Y a d’autres encore qui activent dans la monétique, le e-paiement» assure-t-il.
M. Khennoussi est formel : «Nous avons des entreprises expertes dans le domaine de l’intelligence artificielle. L’écosystème est déjà mis en place par le gouvernement. Les Fin’Tech sont des start-up, il faut profiter de l’évolution qu’il y a eu en 2020». Par évolution, notre interlocuteur entend dire le décret définissant les start-up, publié au journal officiel du 15 septembre 2020, l’autre publié au journal officiel du 25 novembre 2020 sur la création de fonds de caution mutuelle de garantie risques/ crédits jeunes promoteurs. De même que la conférence nationale sur les start-up «Algeria Distrup 2020» organisé début octobre 2020, lors de laquelle le président Tebboune a affirmé que les start-up seront la locomotive du nouveau modèle économique…et d’autres faits et évènements qui expriment cette volonté politique d’aller de l’avant en matière de digitalisation et d’économie de la connaissance. Le ministre des Start-up et de l’Economie de la connaissance, Yacine Oualid, a affirmé que «l’année 2021 sera l’année des Fin’Tech».
Il est clair que désormais est venu le moment de lancer les Fin’Tech et les Insur’Tech en Algérie parce que le marché financier en a besoin et surtout le pays tout entier. L’économie y gagnerait à plus d’un titre. La question qui se pose : «ce sera pour quand exactement ?». L’unité «temps» est à prendre en considération. Ce temps devenu un luxe que ni les pouvoirs publics ni autres parties ne peuvent se permettre de perdre davantage, alors que des projets encore plus nombreux et aussi intéressants les uns que les autres sont en attente d’autorisation.
K. M.