Trois médicaments sur quatre sont fabriqués en Algérie, le marché a atteint en 2021, un chiffre d’affaires de 5 milliards de dollars dont plus de 2,5 milliards sont produits localement. En valeur, cette industrie représente 66% et en volume, elle a atteint les 76%. Près de 60 nouvelles lignes de production ont été mises en place à la même année.
Le marché pharmaceutique algérien est en plein développement. C’est l’un des principaux marchés dans la région Afrique du Nord-Moyen Orient (MENA). Les réformes appliquées au secteur commencent à donner leurs fruits. Avec une croissance moyenne de 11% l’an, le marché du médicament a atteint en 2021, un chiffre d’affaire de 5 milliards de dollars. Selon le ministre de l’Industrie pharmaceutique, Abderrahmane Lotfi Djamel Benbahmed, la production nationale de médicaments a dépassé à la même année les 2,5 milliards d’euros. Selon lui, les volumes produits localement permettent ainsi de réduire la facture des importations à près de 1,2 milliard d’euros. «Trois médicaments sur quatre sont désormais fabriqués en Algérie», a précisé le ministre. En valeur, cette industrie locale représente 66% et en volume elle a atteint les 76 %». Près de 60 nouvelles lignes de production ont été mises en place en 2021. Dans une allocution prononcée à l’hôtel Mariott à l’occasion du lancement officiel de la production du vaccin anti-Covid-19 au niveau de l’unité de Saidal à Constantine, le Premier ministre Aïmene Benabderrahmane a fait savoir que l’Algérie avait importé pour près de 850 millions USD pour le premier semestre 2021. La facture d’importation baissait de près de 500 millions d’euros par rapport à l’année 2020, avait-t-il souligné avant de préciser toutefois que cette baisse ne se fera pas au détriment de la disponibilité des médicaments.
«L’Algérie ambitionne même d’effectuer ses premières exportations en la matière. Nous avons eu des promesses pour 50 millions d’euros d’exportation pour 2022. J’espère qu’on ira plus loin», a expliqué, dans une émission de radio, le ministre de l’Industrie pharmaceutique.
Pour assurer le développement du secteur, l’Algérie qui «occupe la 4e place dans la région du Moyen-Orient en termes de consommation de médicaments», selon les données de l’Institut mondial des informations sur les industries pharmaceutiques pour l’année 2019, met le paquet sur l’investissement. La stratégie du gouvernement repose sur «la promotion de l’investissement dans la recherche, le développement et l’incitation des centres de recherche universitaires afin de renforcer la concurrence et l’innovation, et tirer profit des sociétés de médicament qui se trouvent sur le marché algérien pour le développement du secteur».
Le cap est aussi mis sur la régulation du marché du médicament dont les objectifs s’articulent autour de trois axes : «Assurer la disponibilité des médicaments, développer l’industrie pharmaceutique locale et baisser la facture d’importation des médicaments». Selon le directeur des activités pharmaceutiques et de la régulation au ministère de l’Industrie pharmaceutiques, docteur Bachir Alouache a soutenu «les produits pharmaceutiques ont été segmentés en deux catégories, à savoir ceux strictement importés et le segment des produits ‘‘mixtes’’, dont une partie est produite localement et l’autre importée».
L’ambition algérienne
Pour lui, la réduction de la facture d’importation de plus de 800 millions d’euros n’est pas le fruit de hasard. Elle a été surtout rendue possible grâce à «quatre leviers d’intervention, à savoir une meilleure gestion des stocks, le développement de la production nationale, la limitation de l’importation des produits pharmaceutiques non essentiels et l’interdiction de l’importation des produits pharmaceutiques fabriqués localement». «L’enregistrement de nouveaux biosimilaires permettra, en effet, à la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH) de faire des économies importantes», a indiqué M. Allouache.
Longtemps déstructuré, d’autres mécanismes sont mis en place pour assurer une bonne gouvernance du secteur. Il s’agit, entre autres, de la création de «l’Agence nationale des produits pharmaceutique (ANPP), qui à travers les différents comités installés à son niveau (Comité économique multisectoriel), doit prioriser le traitement de tous les dossiers qui présentent un intérêt thérapeutique et surtout économique». Ce qui signifie, indique la même source que lorsque plusieurs produits importés sont proposés sur le marché, le choix se portera sur celui qui affichera le prix le moins cher tout en garantissant une efficacité et une efficience optimales», a expliqué encore le même responsable dans une interview accordée à l’agence officielle, l’APS.
Selon une étude réalisée par l’Institut de sondage Immar au profit de l’Union nationale des opérateurs de la pharmacie (UNOP), en 2018, 77% de la population ont confirmé consommer les médicaments fabriqués localement et importés et 28% consomment exclusivement des médicaments produits localement. La même étude indique que 80% de la population ciblée par l’enquête ont confiance dans les médicaments fabriqués en Algérie. Pour plusieurs raisons : 46% optent pour la préférence nationale, 42% pour l’efficacité, 11% la disponibilité, et 7% en raison de l’accessibilité des prix.
En parlant de la priorité donnée à la production nationale, Dr Alouache a précisé que «la décision de suspendre l’importation d’un médicament quelconque n’est pas prise fortuitement». Selon lui, «lorsque deux ou trois fabricants locaux s’engagent à satisfaire la demande nationale sur un médicament, le ministère suspend l’importation de ce produit, car l’importation vient en appoint pour compléter les quantités nécessaires pour répondre aux besoins du marché local».
Les secteurs les plus porteurs du marché pharma
Des études indiquent, en effet, que les secteurs les plus porteurs sur le marché pharma concernent les soins des maladies chroniques à savoir le diabète, l’hypertension et le cancer. Les mêmes sources qui croient savoir qu’un nouveau plan anti-cancer 2020-2025 est en préparation et précisent que leurs coûts thérapeutiques sont en partie pris en charge par l’Etat, considèrent en effet que cette situation définit des besoins importants à court et long termes en réactifs, imagerie et prévention.
Dans ce contexte, le ministre de l’Industrie pharmaceutique M. Benbahmed a installé en octobre dernier, le Comité intersectoriel d’experts multidisciplinaire chargé de l’élaboration de la liste nationale des médicaments essentiels. Celui-ci devrait prendre en charge la question de l’autorisation de nouvelles molécules «en tenant compte de l’intérêt de ces traitements pour l’économie nationale».
Le ministre qui considère que «ce comité est fondamentalement important pour tracer la stratégie nationale de développement de la production nationale», soutient que son département travaille actuellement sur l’élaboration de programmes prévisionnels d’exportation dans la région et le continent africain. La stratégie du ministère est claire. Elle a commencé par la mise en place d’un cadre réglementaire et juridique adéquat sans lequel rien n’aurait été possible. A ce sujet, il est utile de mettre l’accent sur la promulgation du décret exécutif n°21-145 du 17 avril 2021 fixant la liste des activités revêtant un caractère stratégique, qui consacre la possibilité aux étrangers d’exercer l’activité d’exportation des produits pharmaceutiques et dispositifs médicaux sans être soumis à la règle 51/49. Les ambitions du ministère sont grandes. C’est la raison pour laquelle la décision a été prise «d’orienter plusieurs projets d’investissements dans la fabrication locale à une projection corrélée vers l’export» d’ailleurs plusieurs médicaments sont inscrits dans ce cadre tels que les projets L-thyroxine, Enoxaparine, insulines, anticancéreux, vaccins, etc. Dans son bilan le département de M. Benbahmed a mis l’accent sur la ratification du traité de création de l’Agence africaine des médicaments (AMA) et préparation du dossier de candidature de l’Algérie pour abriter son siège. Selon lui, «la création de cette importante agence renforcera indirectement les échanges commerciaux entre pays africains en matière de produits pharmaceutiques et dispositifs médicaux».
La stratégie du ministère repose également sur le «développement du groupe public Saidal pour l’ériger en pôle public garant de la souveraineté sanitaire». D’ailleurs, il est question de la «finalisation de l’enregistrement des anticancéreux fabriqués par Saidal en collaboration avec le laboratoire sud-coréen CKD OTTO et dont le montant du marché est estimé à plus de 3 milliard DA». Les opérateurs privés font, eux aussi, partie de l’équation du développement de l’Industrie pharmaceutique dont l’objectif est aussi bien la satisfaction des besoins locaux mais tourner vers l’exportation. Seulement, le ministre pense, dans une déclaration faite à la presse en février dernier, que l’exportation du médicament est une «affaire assez complexe» et qu’il s’agit aussi d’un «travail de fond» déjà entamé, notamment par la mise en place d’un dispositif réglementaire pour accompagner les opérateurs algériens. Selon lui, l’exportation comprend, entre autres, des problématiques intersectorielles inhérentes aux ministères du Commerce et des Finances, d’où la mise en place de comités mixtes. «Ce dispositif permettra, à la fois, de transférer industriellement des produits pharmaceutiques et de se projeter à l’export pour les opérateurs locaux tout comme pour les multinationales», a expliqué M. Benbahmed qui avait affirmé que «le taux d’intégration locale a atteint les 62% en 2021, estimant que ce taux atteindra ou même dépassera les 70% en 2022».
Amar Rabie