Propos recueillis par Karima Alilatene
Abdelouahed Kerrar est directeur général du groupe Biopharm et membre fondateur de l’Union nationale des opérateurs de la pharmacie (Unop). Il a occupé plusieurs postes au sein de cette association par le passé. Il a été son secrétaire général, puis vice-président avant de devenir son président, poste qu’il occupe jusqu’à aujourd’hui. L’Unop compte en son sein plus d’une trentaine de producteurs qui représentent 80% de la production nationale en matière de médicament.
Quelles sont les propositions de l’Unop au sujet des obstacles qui freinent l’exportation ?
Abdelouahed Kerrar : Le gouvernement a entamé la mise en place d’une stratégie nationale d’exportation qui a identifié des secteurs porteurs, dont celui de l’industrie pharmaceutique. En tant qu’Unop, nos propositions touchent à la levée des obstacles liés à l’encadrement financier de l’acte d’exportation, principalement sur le volet du contrôle des changes. Elles concernent aussi tous ces dispositifs d’encouragement à l’exportation qui ne sont pas opérationnels, que ce soit sur les plans fiscal, douanier ou commercial. Le Fonds spécial de promotion des exportations dispose de dizaines de milliards de dinars gelés depuis des années au lieu de soutenir l’exportation. Enfin, on oublie souvent qu’une politique d’exportation requiert une préparation sérieuse au niveau des entreprises, des formations adaptées pour le marketing à l’international et, par-dessus tout, un accompagnement par les administrations de notre propre pays. Sur tous ces aspects, nous avons encore beaucoup d’efforts à faire.
Avez-vous une offre de produits disponible et compétitive à l’export ?
Les taux d’utilisation des capacités au niveau de nos usines sont, en moyenne, entre 40 et 50%.
Plus de 40 projets pharmaceutiques sont en cours de réalisation et vont bientôt entrer en production. Nous attirons l’attention de nos autorités sur l’urgence d’une démarche active à l’exportation, sans quoi un grand nombre de ces projets nouveaux ne pourront pas assurer leur viabilité économique et financière. Il existe, donc, une offre importante à l’export qui demande à être mise en valeur et dûment exploitée. Pour nous, la stratégie d’exportation n’est pas une option, c’est une nécessité.
Beaucoup de pays africains sont dépendants de l’importation du médicament ; un co-développement avec les pays africains est-il envisageable dans l’avenir ?
Les pays africains, dans leur écrasante majorité, demeurent fortement dépendants de l’importation pour garantir l’accès aux soins à leurs citoyens. Ils sont de plus en plus nombreux à réfléchir aux voies et moyens de réduire cette forme de dépendance et de développer des moyens de production à l’échelle de leurs marchés internes.
La crise sanitaire actuelle ne manquera certainement pas de pousser encore davantage dans cette direction, chaque pays se posant la même question, celle de la garantie de ses approvisionnements et de sa sécurité sanitaire.
Cela étant, les marchés internes de ces pays sont étroits quand ils sont pris un à un, ce qui donne du crédit à l’idée d’une mutualisation possible des capacités de production. Par la qualité de son expérience, sa réelle profondeur africaine et le savoir-faire de ses entreprises, notre pays peut aider à une bonne coopération interafricaine dans ce domaine.
Quelles seraient les priorités immédiates pour aider notre industrie pharmaceutique à se positionner sur les marchés régionaux ?
L’Unop plaide depuis longtemps pour des solutions à apporter sur des aspects tels que l’opérationnalité effective de l’Agence nationale des produits pharmaceutiques, l’accélération des procédures d’enregistrement de nos produits (près de 700 médicaments sont actuellement en attente), la levée des obstacles à l’exportation, unsystème de fixation des prix plus souple et prenant en compte la réalité des coûts de production, un système d’information plus moderne et plus précis sur les données de notre marché, etc.
Commençons par maîtriser les ressorts de notre marché si nous voulons être performants demain à l’exportation.
Les cinq pays du Maghreb comptent aujourd’hui plus de 100 millions d’habitants, peut-on aller vers un marché du médicament maghrébin ou exportation intermaghrébin ?
Il est connu que la région maghrébine a un retard d’intégration important par rapport à l’ensemble des autres blocs économiques africains, et cela s’applique à tous les secteurs d’activité économique. Pour ce qui est du pharmaceutique, les trois principaux marchés algérien, marocain et tunisien se sont développés jusqu’ici quasiment sur les mêmes créneaux. Ils sont, donc, aujourd’hui plus concurrentiels que complémentaires.
Il faut, donc, travailler encore à cette intégration future du marché maghrébin du médicament. C’est le défi de demain pour nos pays.
K.A.